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Après une vive polémique lors de la diffusion de son teaser en Février, c’est de manière plutôt discrète que Dear White People a débarqué sur la plateforme de Netflix le mois dernier. Adaptée du film éponyme sorti en 2014, la série de Justin Simien s’intéresse aux vies d’étudiants noirs sur le campus majoritairement blanc de Winchester, après la tenue d’une soirée « blackface ».

Décodant avec humour et décalage les rouages et multiples manifestations du racisme au sein de la société américaine, la comédie satirique en profite pour dresser un portrait tout aussi divers d’une jeunesse afro-américaine en quête de sa propre identité.

  • Samantha White – Coincée entre deux mondes

Militante anti-raciste et présentatrice d’une émission de radio satirique intitulée  « Dear White People » (Chers amis blancs en VF), Samantha est le poil à gratter de Winchester. Intelligente, impertinente et jamais à court de répliques bien senties, elle est le cliché de la métisse qui compense sa double identité par un militantisme zélé. Meneuse au look à mi-bohème, mi-afropunk, ses méthodes parfois contestables ont le mérite de réveiller certaines consciences. Mais ses opinions très tranchées sur les inégalités raciales et les systèmes d’oppression sont remises en question lorsque la totalité du campus découvre qu’elle est en couple avec Gabe Mitchell, un étudiant blanc.

  • Troy Fairbanks – L’étudiant modèle

Fils du doyen de Winchester, candidat aux élections des représentants étudiants, et gentleman aux costumes colorés, Troy Fairbanks est l’un des célibataires les plus en vue du campus. Intelligent, sportif, charmeur et promis à un grand avenir (déjà tracé par son père), c’est le prototype de l’homme noir parfait. Un modèle de réussite à suivre pour être accepté par la société américaine. Mais la perfection est-elle tenable pour un homme qui ignore qui il est et semble incapable de forger son propre parcours ?

  • Colandrea ‘Coco’ Conners – Se conformer pour survivre

Look preppy, tissage serré, attitude hautaine et fausse paire de Louboutin, telles sont les caractéristiques de Colandrea alias Coco. Brillante, ambitieuse et bien décidée à se faire une place au sein des cercles les plus influents de Winchester, la jeune femme fait tout son possible pour rentrer dans le moule de ses riches amis blancs. Issue des quartiers pauvres de Chicago et témoin d’une justice sociale dysfonctionnelle, elle ne croit plus en la contestation que prône son ancienne amie Sam. Elle fait donc le choix de l’assimilation pour survivre, au point peut-être de se perdre elle-même.

  • Lionel Higgins – Les dures lois de l’intersectionnalité

Introverti et peu sur de lui, Lionel est sans doute l’étudiant qui a le plus de mal à trouver sa place à Winchester. Adepte de sweatshirts et de t-shirts aux phrases choc ou ironiques, cet étudiant en journalisme préfère l’écrit à l’oral. Navigant à l’intersection d’une identité gay et noire, il souffre tantôt de l’homophobie de la communauté noire, tantôt du racisme et de la fétichisation de la communauté gay. Des facteurs isolants qui accentuent sa romance imaginaire (et impossible) avec son camarade de chambre Troy.

  • Reggie Green – Woke Bae

Adepte du wax et de nouvelles technologies, cet étudiant en informatique est le bras droit de Sam. Il éprouve d’ailleurs bien plus que de l’amitié pour la présentatrice de Dear White People. Admirateur des Black Panthers et des mouvements contestataires, Reggie est un homme noir conscient qui s’assume pleinement. Mais il est souvent plus facile d’affronter des rhétoriques racistes que d’être confronté aux réalités de leur impact.

  • Joelle Brooks – La BFF

Distributrice d’expressions faciales et de bons conseils, Joelle est la meilleure amie et confidente de Sam. Son look afropunk laissant une large place aux blousons et t-shirts à messages, reflète une personnalité perspicace, directe et franche qui sait parfaitement qui elle est. Amoureuse de Reggie et impliquée bien malgré elle dans la vie sentimentale de Sam, elle préfère rester en retrait, quitte à parfois s’autocensurer pour permettre à son amie de faire ses propres choix.

  • Gabe Mitchell – White Bae

Petit ami de Sam et unique visage blanc dans l’enclave noire de Winchester, Gabe a du mal à évoluer dans le monde de celle qu’il aime. Admiratif du militantisme de Sam et concerné par les causes qu’elle défend, il ne peut s’empêcher de se sentir exclu d’une partie de son univers. Un sentiment retranscrit par son look casual aux dominantes noires et grises qui dénotent énormément avec les styles définis et colorés des autres personnages de la série.

L’avis de Spotern

Présentée comme une plateforme d’expression d’une minorité afro-américaine qui ne supporte plus les biais racistes et les micro-agressions d’une société majoritairement blanche, Dear White People est une opération de trolling dans les règles de l’art. Accusée de « racisme inversé » (qui rappelons le n’est pas un concept réel), la série prend un malin plaisir à appuyer là où ça fait mal. De manière fine, impertinente voir dramatique elle tisse un portrait du quotidien raciste ou stéréotypé auquel les noirs font face, se délectant au passage d’un espace où les personnages blancs se retrouvent à marcher sur des œufs, en permanence.

Cette rhétorique extrême n’est bien sur qu’un prétexte pour donner la parole à un panel de personnages qui, bien qu’étant tous noirs, sont loin de partager les mêmes opinions et les mêmes expériences à Winchester. Car Dear White People n’est pas une série centrée sur le racisme. Elle s’intéresse avant tout à la manière dont la jeunesse afro-américaine forge et négocie son identité dans des espaces  où elle se sent et est la majorité du temps, marginale.

Si elle propose des explorations souvent réussies des circonstances des différents personnages, la série éprouve beaucoup plus de difficultés à les faire évoluer au-delà de leurs caricatures initiales. Souffrant des mêmes problèmes que le film dont elle est issue, Dear White People ne va pas assez loin et n’offre aucune solution aux problèmes qu’elle pose, tant au niveau du racisme, qu’au niveau de la négociation des différentes identités de ses personnages (sans doute une porte ouverte pour une éventuelle saison 2). Reste un humour percutant, une parodie hilarante de Scandal, et des thématiques en phase avec une génération Y afro qui, bien que consciente, se cherche encore.

Et vous ? Que pensez-vous de Dear White People ?