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« Cette mission est simple et rapide ». Cette phrase qui ouvre la bande-annonce de Valérian et la Cité des mille planètes ne résume absolument pas le travail monstre abattu pendant plus de trois ans par les équipes de Luc Besson. Parmi les nombreux challenges, entre design et CGI, les costumes ont naturellement tenu une place centrale dans l’élaboration de ce space opéra. Plongeons-nous dans les coulisses de la fabrique des univers imaginaires de Valérian avec Olivier Bériot, le chef-costumier du film événement.

Spotern : Comment devient-on chef costumier sur un projet comme Valérian ?

Olivier Bériot : La première fois que j’ai collaboré avec Luc, j’étais assistant d’une des créatrices de costumes du film Jeanne d’Arc (1999). Pendant le tournage, Luc Besson créé sa première boîte de production (aujourd’hui Europa Corp) et lance le développement de nombreux films dont The Dancer. Il demande alors au premier assistant de chaque équipe de Jeanne d’Arc de monter en responsabilité. Il a toujours eu à l’esprit de proposer à des jeunes de se lancer dans le grand bain et d’avoir l’opportunité de signer des contrats. Arthur et les Minimoys est le premier projet pour lequel j’ai collaboré étroitement avec Luc. Tout s’est super bien passé et nous avons continué ensemble sur d’autres films comme Malavita, Adèle Blanc-Sec ou plus récemment Lucy.

Olivier Bériot, chef costumier de Valérian

En quoi votre travail sur Valérian a-t-il été différent de celui sur Adèle Blanc-Sec, déjà une adaptation d’une BD réalisée par Luc Besson ?

Avec Adèle Blanc-sec, ce sont surtout des silhouettes qu’il fallait retranscrire. C’était comme travailler sur un croquis. Le film se déroule entre 1910 et 1912, une époque qui se retrouve beaucoup chez les loueurs de costumes. Nous en avons donc profité pour photographier des premiers essayages à partir des costumes trouvés dans ces magasins, dans le sens des croquis de l’auteur de la BD. Tardi est passionné par cette période historique et il détient chez lui plein de costumes de cette époque. Chaque dessin de la BD s’inspire d’ailleurs des magazines de mode ou des costumes d’époque qu’il collectionnent. Son travail est très documenté, ça nous a beaucoup facilité la tâche pour fabriquer les costumes.

Louise Bourgoin dans Adèle Blanc-Sec

Pour Valérian, c’était plus compliqué : il y a les dessins de Mézières d’un part et d’autre part Luc qui a travaillé avec des concept designers de science-fiction (comme Ben Mauro) pendant 3 ans. Ils ont développé de véritables univers autour de seulement quelques cases de la BD en étoffant en détail les dessins de Mézières. Ils proposent des dessins hyper touffus et développent des mondes foisonnant propices pour faire des films voire des jeux vidéo. Luc a fait également appel à Jean-Claude Mézières, le dessinateur de Valérian, pour apporter son regard sur le concept design. Quand je commence à travailler sur le film, je profite donc de ce travail d’ébauche et de nettoyage sur l’univers. Les spacesuits de Laureline et Valérian sont déjà entièrement designés par exemple !

Escouade de K-Trons par Beu Mauro

Comment se lance-t-on dans un projet aussi ambitieux ?

Sur les costumes, nous avons commencé à travailler sur le film en juin 2015, trois mois avant le début du tournage. Luc m’a d’abord présenté 40 cartons sur lesquels il y avait des dessins extraordinaires. C’est tout ce que j’ai pu voir avant de me lancer dans l’aventure sans pouvoir les garder avec moi ni les photographier ! Après, c’est du non-stop pendant 6 mois.

Je me suis d’abord penché sur les costumes de soldats, les tenues de Laureline et de Valérian ou encore celles du personnage de « Bubble » incarné par Rihanna. Pour le commandant Arün Filitt joué par Clive Owen, qui correspond à un personnage très précis de la BD, nous avons gardé un élément reconnaissable : son costume d’officier avec sa majestueuse décoration sur le torse.

Clive Owen dans Valérian

Pour concevoir un univers de A à Z, comment se passe la coordination entre tous les éléments constitutifs du film (effets spéciaux, costumes, décoration, etc.) ?

C’est Luc qui fait la cohérence entre tous les éléments. Luc est un hyper mnésique de l’image, il a une mémoire hallucinante. Il peut tout à fait valider les dessins en sachant que ça n’ira pas avec les décors. Il nous alerte et nous laisse gérer entre nous. Il donne toujours le OK général.

Dans notre équipe de base, il y a notamment le dessinateur Sylvain Desprez, déjà présent sur le Cinquième élément. Lorsque nous soumettions nos propositions de costumes à Luc, il adorait toujours ceux dessinés par Sylvain. Nous avons fini par demander à Sylvain de systématiquement dessiner les costumes et il se retrouve d’ailleurs crédité au générique. J’ai même dû faire appel à des graphistes pour tenir la cadence. Nous avions une telle quantité de costumes à fournir pour le film !

Tout notre travail se fait en coordination étroite avec l’équipe des effets spéciaux. Rien ne part sur le plateau sans leur validation ! C’est indispensable pour la post-production surtout que certaines pièces ne sont jamais portées par les acteurs mais sont incrustées par la suite en CGI (Computer-Generated Imagery). D’ailleurs, certaines pièces de costume n’existent même pas ! Le casque de Valérian par exemple. Nous avons juste conçu son socle, tout le reste est réalisé en effets spéciaux.

Par exemple, dans les premières minutes du film, il y a plein de metteurs en scène qui font des petits caméos : Louis Leterrier, Olivier Megaton, Benoît Jacquot, Xavier Giannoli, etc. Ils sont parfois humains ou jouent des aliens. Louis Leterrier est un alien gigantesque avec des semi-échasses qui ont finalement été retirées du film puisqu’on ne voit pas ses pieds. C’est le risque avec des costumes finalisés en CGI. Certains éléments du costume sont parfois supprimés en post-production !

Il nous arrive aussi de chercher des éléments farfelus pour l’équipe des effets spéciaux. Pour le personnage de Da, sorte de gros bébé dans un magasin de jouets, il fallait imaginer une salopette dans une texture qui ressemble à de l’éponge. Nous avons donc fourni aux responsables des effets spéciaux du personnage de gros échantillons d’éponge d’un mètre sur un pour qu’ils puissent l’incruster. Vous pouvez aussi voir dans la bande-annonce une demoiselle avec une robe augmentée d’une roue de paon. Nous avons fabriqué cette roue avec un système de ressorts qui a ensuite été filmée séparément sur fond bleu puis incrustée à la scène.

Da, le gros bébé dans Valérian

Pouvez-vous nous parler du concours de costumes que vous avez organisé en 2015 ?

C’était une idée de Luc. Le concours lancé avec la plateforme Yahoo Style! a recueilli 3350 candidatures. Luc a fait une première sélection de 50 croquis pour choisir finalement 20 gagnants. Je me suis attelé ensuite à réaliser ces costumes. On peut les voir au début du film lors d’une réunion de chefs d’état qui viennent de plein de planètes différentes. On ne savait pas d’où venait chaque gagnant, c’était vraiment stimulant ! C’est parfois Luc Besson lui-même qui appelait les gagnants sur Skype pour leur annoncer la nouvelle. On a rencontré des talents de tous les âges et originaires des quatre coins de la planète. Il y aura de beaux témoignages de ce concours dans le making-of !

Luc Besson et Olivier Bériot annonçant les gagnants du concours Valérian

Vous pouvez retrouver les croquis des gagnants ici

Quelle est l’implication d’actrices comme Rihanna et Cara Delevingne, icônes de la mode, dans les costumes de Valérian

Rihanna et Cara Delevingne sont des figures de mode et des professionnelles du look. Elles étaient dans un esprit de découverte. La première fois que j’ai rencontré Cara, tous les costumes étaient déjà dessinés. Nous avons surtout besoin de savoir si l’actrice est à l’aise dans le vêtement, c’est plus l’aspect technique qui nous intéresse. Rihanna a de superbes costumes, et enchaîne les tenues farfelues dont un costume d’infirmière en latex conçu par Astuko Kudo (Ghost In The Shell) à Londres.

Bubble interprétée par Rihanna dans Valérian

Quelques anecdotes :

  • Giuseppe Zanotti a designé les chaussures de Valérian et Laureline mais elles n’apparaissent pas à l’écran.
  • La chemise Hawaienne de Valérian (Dane DeHann) est un hommage au personnage de Tony Montana dans Scarface. Elle devait être rouge mais la couleur n’allant pas à la carnation de l’acteur, une autre chemise a été choisie.
  • Patrice Garcia, un des dessinateurs historiques de Luc Besson avait imaginé des aliens pour le Cinquième Élément qui n’avaient jamais été utilisés. Le personnage « Mirror » que l’on peut voir dans Valérian est issu de ces dessins !

Vous pourrez également retrouver le travail d’Olivier Bériot dans Santa et compagnie le prochain film d’Alain Chabat qui sortira en décembre prochain. Le réalisateur fait d’ailleurs une apparition dans Valérian sous le nom de « Bob le pirate ».

Valérian et la Cité des mille planètes déjà en salles.

Propos recueillis le 24 juillet 2017.