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Ce soir c’est Halloween et pour conclure sa semaine spéciale horreur, Spotern vous propose de vous intéresser aux Méchants. Impossible d’écrire une histoire ou concevoir un film sans eux. Les Méchants, Vilains et autres empêcheurs de tourner en rond font depuis des générations palpiter nos cœurs devant les écrans. Détestés ou au contraire adulés, ils sont eux aussi devenus des icônes de la pop culture. Un renversement intrigant étudié par Dobbs, auteur de Méchants, les Grandes Figures du Mal au Cinéma et dans la Pop Culture. Présent dans les allées de la Comic Con Parisienne, Spotern s’est arrêté sur le stand d’Hachette Heroes pour une interview avec Dobbs, histoire de mieux comprendre le phénomène.

Pouvez-vous vous présenter à notre communauté ?

Je suis un ancien prof d’histoire du cinéma, j’ai fait un petit peu carrière à l’université jusqu’à ce que je saborde ma thèse sur les tueurs en série; J’ai été et je suis encore scénariste de bande dessinées. Je travaille un petit peu dans l’audiovisuel aussi, et là c’est l’occasion pour moi de sortir un livre sur le cinéma qui est ma passion depuis mon adolescence. Et cette passion rejoint en thématique, ma thèse sur la représentation du mal dans les médias. Là en l’occurrence, je travaille sur les méchants comme figure du mal dans la culture pop et au cinéma.


Crédits : ©DR.

Qu’est-ce qui vous passionne chez les méchants ? Pourquoi le choix de ce sujet ?

Alors je ne dirais pas passion parce que là c’est dangereux, quelqu’un qui est passionné par le mal ou fasciné par le mal ou les tueurs en série, on sait où ça peut mener hein ? Donc voilà (rires). Non, c’est un gros intérêt intellectuel depuis très longtemps et puis moi j’ai bossé dans un vidéo club quand j’étais tout jeune et j’ai eu accès à plein de genres de films donc j’ai fait mes dents sur le western, sur la SF, sur la fantasy, de l’époque évidemment, donc pas mal les années 80.

Ce qui m’a toujours intéressé, c’est le poids, le côté iconique des méchants dans la plupart des films. Ce sont des figures assez récurrentes que le public adore. Il y a peut-être une fascination pour le mal et la transgression des limites, par ce qu’eux se permettent de faire et pas nous. Il y a donc comme au théâtre une espèce de catharsis du méchant par rapport  au spectateur. On est voyeur et on peut aussi devenir fan. C’est aussi ça l’intérêt parce que les vilains peuvent devenir hyper iconiques car ils sont très charismatiques.

Chez Spotern, vous travaillez sur les objets spécifiques, ou les costumes ou les tenues, c’est-à-dire le détail et c’est vrai que beaucoup de caractérisations de méchants se font par le détail. Un objet, une respiration, un leitmotiv, un leitmotiv graphique et donc forcément une tenue, quelque chose qui les caractérise par le physique. Ça aussi c’est quelque chose qui est assez intéressant parce que ça fait complètement partie de la culture populaire maintenant.

Votre livre recense 200 méchants, combien de temps vous a-t-il fallu pour les sélectionner et réaliser tout le travail de recherche ?

Avec 10 ans de recherche en socio-anthropologie sur le mal dans les médias et 15 ans d’enseignement en histoire du cinéma, j’avais déjà mes repères. Après effectivement pour les besoins du livres, il a fallu faire une forme encyclopédique donc faire quasiment des entrées de dictionnaire, de se limiter. Oui il y en a 200 spécifiquement traités individuellement, dont 50 illustrés de façon inédite par des illustrateurs concept-art du jeu et de la bande dessinée, mais en réalité il y a 300-350 entrées sur les méchants. Pourquoi ? Parce que souvent, l’un renvoie à l’autre. Si on parle à un certain moment de Dark Vador (Star Wars), il est logique, si on travaille sur l’ange déchu et corrompu qu’on fasse une entrée sur Sauron (Le Seigneur des Anneaux). Si on travaille sur les tueurs en série, il faut déterminer quel type de tueur en série. Est-ce qu’on est sur du psychotique trash à la Ed Gein et donc on peut à ce moment là par association arriver à Leatherface (Massacre à la Tronçonneuse) traditionnellement. Ou alors on est sur quelque chose d’assez élitiste, et on va parler forcément de Dexter mais surtout d’Hannibal Lecter (Le Silence des Agneaux) par exemple.

Au sein de votre livre vous évoquiez le fait que les différents sous-genres de l’horreur renvoyaient à différentes peurs humaines. Que cherchez-vous à mettre en évidence au travers de l’étude des méchants et de leurs univers ?

Souvent il y a une forme d’universalité des méchants, je ne parle pas de tous les genres de méchants, mais il y a une forme d’ADN commun chez les méchants qui travaille sur des peurs primaires. La peur de la mort, la peur des ténèbres, la peur de la corruption, la dévoration, la prédation etc. Rien qu’en évoquant ces mots, on est clairement dans du thriller, de l’horreur, du fantastique sans trop de difficultés. En poussant un peu, on arrive à des genres de méchants qui sont des catégories. Celles-ci ont évolué avec le temps parce que ces méchants deviennent quasiment des miroirs de la société.

Ils sont fixes dans des catégories comme le savant fou, les monstres, les créatures, les femmes fatales, les tueurs à gage, les serial killers etc, mais ils sont évolutifs dans la modernité, dans le traitement, dans la focalisation, dans le point de vue narratif des films et même des séries télé. C’est-à-dire que maintenant on peut faire une série sur Hannibal ou une série sur Dexter, qui se focalisent directement sur un tueur qui, d’accord, se veut soit élitiste, soit « vengeur », ou « nettoyeur », mais reste un tueur en série. Ça aurait été beaucoup plus difficile 20 ans auparavant.

Il y a donc une forme d’évolution des besoins des séries télé, des productions et surtout des fans. Les fans deviennent de plus en plus exigeants donc le manichéisme qu’on pouvait avoir il y a 50 ans au cinéma ou il y a 20 ans en séries télé, a un peu disparu et il faut apparemment être de plus en plus original en traitement. L’originalité, ça fait partie je pense  du deal des méchants d’aujourd’hui.

 

Pensez-vous que le succès des méchants vient aussi d’une forme de projection de soi au travers des méchants ? La fameuse catharsis que vous évoquiez plus tôt. Le public se retrouve-t-il plus dans les méchants à cause de leurs défauts et leurs failles ?

L’intérêt du méchant souvent est qu’il permet de montrer les pulsions que le public ne peut pas assouvir. La forme théâtrale de la catharsis c’était ça. C’est-à-dire l’évocation et la satisfaction des pulsions à travers le spectacle. Et c’est vrai que le méchant en lui-même c’est un transgresseur. Il va pousser les limites qu’on ne peut pas tous se permettre de repousser, sinon on tombe sous le coup de la moralité, de la loi etc. L’intérêt pour eux et pour nous c’est justement de basculer très loin dans le côté obscur grâce à eux.

Ça ne veut pas dire que les méchants doivent être simples ou que les méchants ne doivent pas être extraordinaires. Si on regarde par exemple Hannibal Lecter (Le Silence des Agneaux) dans les films, c’est un Sherlock Holmes du crime. Il a une capacité d’anticipation, c’est un super esthète, il est super intelligent. On a quelque chose qui est ancré dans la réalité, mais on a un méchant qui est un super méchant, sans les super pouvoirs certes. Il en sait plus que tout le monde, il est enfermé mais c’est plutôt Clarice Starling (Jodie Foster) qui est enfermée avec lui. On a un objet vilain qui est juste complètement atypique.

Nous voulions revenir sur les magnifiques illustrations du livre. Elles sont au nombre de 50, comment avez-vous réussi à réunir tous ces illustrateurs ?

La menace (rires). La menace, le chantage, la destruction de l’âme, c’est la base (rires). La base de mon réseautage personnel (rires). En fait c’est une équipe que j’ai mise en place, c’est 50 illustrateurs que je connais, de différentes origines et différents univers, que ce soit la couverture de romans de fantasy/SF, que ce soit des concept-artistes pour le jeu vidéo ou pour le cinéma, des illustrateurs de bande dessinée. Ce sont des gens que je connais, que j’apprécie et que j’ai emmené avec moi dans l’aventure en leur donnant l’opportunité de choisir des méchants qu’ils voulaient traiter de façon assez originale. Ça a donné non pas arbitrairement, mais de façon très subjective de leur part (parce qu’on voulait leur laisser cette liberté), une vision personnelle et artistique de 50 icônes du mal.

Puisque les méchants sont votre spécialité, nous voulions vous soumettre à notre Spot Flash, une suite de questions en rafale auxquelles il faut répondre le plus rapidement possible :

Freddy ou Jason ? Freddy (Robert Englund – Les Griffes de la Nuit)

Quel est votre méchant Disney préféré ? Maléfique (La Belle au Bois Dormant – Angelina Jolie dans Maléfique)

Selon vous qui est le méchant le plus touchant ? Oh la vache !… C’est très particulier ça comme question. Il faudrait définir touchant. Est-ce que c’est une victime ? Est-ce que c’est quelqu’un qui parle avec le cœur ? C’est particulier touchant. Parce qu’on pourrait dire que Norman Bates (Anthony Perkins – Psychose) peut être touchant d’une certaine façon. Parce qu’il est pathétique, il est complètement obsédé, il a été bouffé par l’esprit de sa mère, en ce sens, il peut être touchant. Moi la théâtralité de certains me touche plus personnellement. J’adore Alan Rickman (Hans Gruber dans Piège de Cristal – Severus Rogue dans Harry Potter) et tous les méchants qu’il interprète, mais c’est émotionnel.

Qui est le méchant le plus cruel ? Anton Chigurh (Javier Bardem – No Country For Old Men) il est bien. C’est pas le chaos comme le Joker (Heath Ledger – The Dark Knight), il amène autre chose. Sinon il y a Freddy. Il est basé sur la cruauté autrement il ne pourrait pas se nourrit pas de la peur des gens, donc il a besoin de cette cruauté. Donc Freddy c’est pas mal.

Qui est le méchant le plus sous-estimé ? C’est parce que je l’adore, c’est ma Madeleine de Proust à moi, Docteur Hans Reinhardt (Maximillian Schell – Le Trou Noir)

A l’inverse, qui est le méchant le plus sur-estimé ? Hannibal Lecter (Anthony Hopkins – Le Silence des Agneaux)

Quel méchant a failli être gentil ? Oooh ben Dark Vador s’est un peu oublié en chemin quoi. (rires). Ça dépend des visions mais Maléfique, elle a basculé.

Quel est le méchant que vous admirez le plus ? J’aime beaucoup Darkness (Tim Curry – Legend) sinon Hans Gruber (Alan Rickman – Piège de Cristal)

Quel pouvoir ou trait de personnalité d’un méchant rêveriez-vous d’avoir ? Putain l’Homme Pourpre (David Tennant – Jessica Jones) le contrôle de la pensée c’est pas mal ça !

Selon vous quel est le méchant le plus emblématique de notre époque ? Souvent pour le côté iconique, la palme revient à Dark Vador (David Browse & James Earl Jones – Star Wars, La Guerre des Etoiles), via l’inconscient collectif. Il revient statistiquement le plus. Hannibal Lecter n’est pas trop loin, après c’est vrai que pour la culture geek fantasy, les corrupteurs comme Sauron ou autre on un attachement spécifique. On pourrait même mettre Voldemort (Ralph Fiennes – Harry Potter) pour la nouvelle génération fantasy.

 

Quels sont vos projets à venir ?

Alors à l’heure actuelle, je travaille en bande dessinée sur la biographie de François 1er pour Glénat. Je travaille également sur l’adaptation de la série télé et des romans Nicolas Le Floch en roman policier historique. Et là je vais commencer à revoir mes petites maraudes personnelles sur des projets de survival horror et de science fiction.

Pensez-vous écrire un livre sur les gentils ?

Les gentils ça ne me va pas du tout, ça ne me correspond pas, les anti-héros c’est plus ma came, un gentil déjà dans la définition ça me gonfle (rires).

Si Dobbs vous a donné envie d’en savoir plus sur les Méchants, les Grandes Figures du Mal au Cinéma et dans la Pop Culture, retrouvez son ouvrage édité chez Hachette Heroes sur les sites d’Amazon et de la FNAC au prix de 35 € !

Propos recueillis le 27 octobre 2017.